Un peu de réflexion

C’est Noël aujourd’hui

25 décembre 2005

Ce court poème, sans prétention aucune, s’inspire d’un texte anonyme. Je vous l’offre comme un très simple cadeau de Noël. Peut-être pourriez-vous le dire comme prière avec vos enfants, ou en couple, ou seul… ? Un soir … ou chaque soir de ce temps de Noël… ?P. Louis-Marie Chauvet

C’est NOËL aujourd’hui : Jésus vient chez les hommes, il prend un corps d’enfant, il se fait tout petit, il devient l’un de nous pour tisser nos vies d’hommes avec la vie de Dieu.C’est Noël aujourd’hui : Jésus sent son cœur battre, un cœur qui sait aimer sans jamais se lasser, un cœur blessé à mort, un cœur blessé d’amour, de l’Amour de Dieu même.C’est Noël aujourd’hui : Jésus étend les bras, des bras pour le partage et la fraternité, des bras portant jusqu’au malade ou prisonnier la guérison de Dieu.C’est Noël aujourd’hui : Jésus ouvre les yeux. Dans son regard, on lit : « l’amour est le plus fort. Vous pouvez discerner en tout homme au cœur droit le visage de Dieu ».C’est Noël aujourd’hui : Jésus vient accoster sur nos rivages d’hommes. Et son étoile luit, phare dans notre nuit, nous indiquant le capqui nous conduit à Dieu.C’était NOËL hier, c’est NOËL aujourd’hui : Jésus-Emmanuel, compagnon de nos vies, Tu portes jusqu ‘à nous, trésor incomparable, La Présence de Dieu !

Marie en attente…L’Eglise en attente

18 décembre 2005

Chaque année, au 4° dimanche de l’Avent, la figure de Marie succède à celle de Jean-Baptiste dans notre liturgie. La page d’évangile qui nous la présente cette année est superbe, mais tellement  » codée  » par de multiples allusions à l’Ancien Testament ! Or, justement, ce codage, loin de nous rendre hermétique ce texte, nous permet d’en faire la relecture ci-dessous, tributaire de celle que nous propose le diocèse pour cette année de Jubilé.
a- En amont de la scène de l’Annonciation, l’avenir de Marie semble tout tracé : n’est-elle pas  » accordée en mariage à Joseph »
b- Mais c’est alors, justement, qu’elle est  » visitée  » par Dieu. Et Dieu remet tout en cause :  » Voici que tu vas concevoir…  »
b- Un tel avenir paraît impossible. Marie fait valoir ses raisons. Elle objecte donc :  » Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge?  »
d- La réponse de Dieu est stupéfiante :  » L’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ». Notons d’abord l’extrême pudeur à travers laquelle la chose est annoncée :  » la puissance du Très-Haut « , celle de  » l’Esprit-Saint « , est évoquée à travers l’image de la  » nuée  » de la présence de Dieu qui accompagnait de son  » ombre  » le peuple d’Israël durant sa longue marche d’exode entre l’Egypte et la terre promise. Il y a donc ici du Mystère ; non pas du  » mystère  » au sens de Madame Soleil, du mystère qui vient simplement exciter la curiosité, mais du mystère qui révèle ce qu’est Dieu et qui, du même coup, peut engager notre vie… Notons ensuite ce que fait Dieu face à ce qui paraît impossible : il envoie l’Esprit-Saint…
Une telle page d’évangile peut aisément résonner, me semble-t-il, sur le plan de notre vie personnelle. Je laisse à chacun le soin de se demander, personnellement ou (mieux encore, sans doute) en groupe, comment ce texte résonne dans sa vie, et devient ainsi vraiment  » parole de Dieu  » pour lui…
Mon propos est ici, en communion avec notre évêque, en ce 40ème anniversaire de la création de notre diocèse de Pontoise, de faire parler ce texte en direction de nos communautés chrétiennes. Je m’inspire d’ailleurs directement à ce sujet de quelques-unes des questions qui nous sont proposées dans le dossier du Jubilé :
– Qu’est-ce qui, dans la paroisse, nous paraît trop « tracé »,trop évident dans nos manières de faire ?Pouvons-nous nous demander à quoi Dieu, comme communauté paroissiale, nous appelle ?
– Avons-nous vécu de l’inattendu ces dernières années? Cela a-t-il changé quelque chose dans notre façon de voir les choses ? et dans nos manières de faire ?
– L’inattendu dérange, il fait peur… Quelles sont nos craintes pour nous-mêmes et pour la communauté paroissiale ?
– Qu’est-ce qui, au contraire, nous rassure? Y a-t-il des événements, des initiatives, des courants, qui nous paraissent être des signes de Dieu en ce sens ?
– Finalement, qu’est-ce qui, par rapport à tout cela nous  » tient  » personnellement dans la foi ?
N’hésitez pas à répondre à ces questions et, si vous le voulez bien, à envoyer votre réponse à moi-même ou à un membre de l’EAP.

Père Louis-Marie Chauvet

9 décembre 1905- 9 décembre 2005

9 décembre 2005

100 ans. Elle a 100 ans, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est là un événement majeur. Elle s’inscrivait dans la logique de la première sécularisation, celle qui permettait à la science, à la suite de l’«affaire Galilée», de s’émanciper par rapport à la tutelle de la « théologie » ; et surtout dans la logique de la seconde sécularisation, celle du politique par rapport à l’Eglise, qui devait pousser le pape Léon XIII à demander aux catholiques de France de «se rallier» à la République… Le « siècle des Lumières » était passé par là… Evidemment, l’Eglise a résisté. Résisté jusqu’à se sentir tellement « assiégée » qu’elle n’était même pas capable de reconnaître les « droits de l’homme », ces droits qui nous paraissent pourtant aujourd’hui tellement dans la logique de l’Evangile… Elle avait, il faut le dire, quelques bonnes raisons de résister, à commencer par le fait que ces « droits de l’homme » étaient alors opposés aux « droits de Dieu ». Alors, évidemment…Depuis un siècle, les choses se sont bien décantées. En 1996, les évêques de France dans leur « Lettre aux catholiques » ont souligné que « nous acceptons sans hésiter de nous situer, comme catholiques, dans le contexte culturel et institutionnel d’aujourd’hui marqué notamment par l’émergence de l’individualisme et par le principe de laïcité » (p. 20). Ils ajoutent un peu plus loin : « Nous tenons à être reconnus non seulement comme des héritiers, solidaires d’une histoire nationale et religieuse, mais aussi comme des citoyens qui prennent part à la vie actuelle de la société française, qui en respectent la laïcité constitutive et qui désirent y manifester la vitalité de leur foi » (p. 28).Ce principe de laïcité, qui est l’une des bases les plus précieuses de notre démocratie, n’a pas été admis ou compris par tous : des idéologies, que l’on pourrait appeler « cléricarde » et « laïcarde », se sont opposées, la première voulant maintenir le pouvoir social et politique de l’Eglise comme telle, la seconde travestissant la laïcité en « laïcisme », c’est-à-dire glissant de la neutralité par rapport aux divers cultes religieux (garantis par l’Etat) vers un militantisme anti-religieux. Les villages de France d’il n’y a pas encore si longtemps sont remplis d’anecdotes du genre Don Camillo et Peppone…Aux disciples du Christ que nous sommes, il appartient de faire en sorte que la laïcité soit doublement une chance. Une chance, pour le dialogue entre les religions, de plus en plus indispensable aujourd’hui. Une chance ensuite pour nous-mêmes : elle peut nous pousser en effet à « aller au cœur de la foi » et elle peut ainsi nous permettre, dans un monde sécularisé où le religieux, même chrétien, n’est plus perçu comme allant de soi, de re-choisir le Christ pour vivre de manière plus décidée à sa suite. N’est-ce pas ce défi-là (difficile, il est vrai, et requérant de nous que nous fassions certains « deuils ») qui rend nos communautés chrétiennes si vivantes ?

Père Louis-Marie Chauvet

Confirmation : « Sois marqué de l’Esprit-Saint, le Don de Dieu »

4 décembre 2005

Ils sont 19 ; 19, entre 16 et 18 ans. Ils sont de notre paroisse de Saint-Leu. Notre évêque va leur donner ce dimanche le sacrement de la Confirmation en les marquant de cette huile parfumée et consacrée par l’Esprit-Saint qui s’appelle le « saint-chrême ». « Chrême » : presque le même mot que « Christ » ; la « chrismation » fait en effet de chaque « chrétien » un membre du Christ. La parole sacramentelle qui accompagne cette onction dit bien le sens de celle-ci : « Sois marqué de l’Esprit-Saint, le Don de Dieu »La « marque », c’est le sceau, c’est-à-dire le cachet (autrefois, de cire) qui authentifie un document officiel. Ainsi, chacun est-il marqué par l’Esprit Saint du « sceau » du Christ. Comme l’huile imprègne le corps (l’huile du massage pour le sportif, le cosmétique pour entretenir la peau…), l’Esprit-Saint vient imprégner chacun du Christ ; comme un parfum répand autour de lui une odeur agréable, l’Esprit Saint envoie chacun pour qu’il donne à respirer la « bonne odeur » (St Paul) de l’Evangile…Le « travail » de l’Esprit se fait donc en deux directions : en direction de l’intérieur (F imprégnation), en direction de l’extérieur (le parfum). En direction de l’intérieur, il s’agit d’unifier la personne autour du pôle de l’Evangile : que chacun soit suffisamment imprégné du Christ pour que ses grands choix de vie puissent se faire à partir d’une hiérarchie de valeur dont l’Evangile des béatitudes constitue le sommet ;en direction de l’extérieur, il s’agit de la mission : l’Esprit donne à chacun la force de Dieu pour oser (oser « sans rougir, même devant les puissants de ce monde », disait le catéchisme de mon enfance) témoigner du Christ.Du courage, il en faut, sans doute pour oser se dire disciple de Jésus devant ses copains de lycée ou ses collègues de travail… Mais la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, ce Royaume où tout est mis à l’envers, puisque que ce sont les « pauvres » qui y sont rois, ne vaut-elle pas la peine que 1′ on joue sa vie sur elle ? et que l’on ait le désir de la partager avec d’autres ? Le sacrement de la confirmation a été en tout cas donné par Dieu à l’Eglise pour qu’elle y trouve cette force de l’Esprit qui fait des chrétiens, timides et apeurés comme les disciples au soir de la mort de Jésus, des témoins audacieux d’un Evangile qui donne vraiment à vivre…P. Louis-Marie Chauvet

P. Louis-Marie Chauvet

« Sois marqué de l’Esprit-Saint, le Don de Dieu »

4 décembre 2005

Ils sont 19 ; 19, entre 16 et 18 ans. Ils sont de notre paroisse de Saint-Leu. Notre évêque va leur donner ce dimanche le sacrement de la Confirmation en les marquant de cette huile parfumée et consacrée par l’Esprit-Saint qui s’appelle le « saint-chrême ». « Chrême » : presque le même mot que « Christ » ; la « chrismation » fait en effet de chaque « chrétien » un membre du Christ. La parole sacramentelle qui accompagne cette onction dit bien le sens de celle-ci : « Sois marqué de l’Esprit-Saint, le Don de Dieu »
La « marque », c’est le sceau, c’est-à-dire le cachet (autrefois, de cire) qui authentifie un document officiel. Ainsi, chacun est-il marqué par l’Esprit Saint du « sceau » du Christ. Comme l’huile imprègne le corps (l’huile du massage pour le sportif, le cosmétique pour entretenir la peau…), l’Esprit-Saint vient imprégner chacun du Christ ; comme un parfum répand autour de lui une odeur agréable, l’Esprit Saint envoie chacun pour qu’il donne à respirer la « bonne odeur » (St Paul) de l’Evangile…
Le « travail » de l’Esprit se fait donc en deux directions : en direction de l’intérieur (!’ imprégnation ), en direction de l’extérieur (le parfum). En direction de l’intérieur, il s’agit d’unifier la personne autour du pôle de l’Evangile : que chacun soit suffisamment imprégné du Christ pour que ses grands choix de vie puissent se faire à partir d’une hiérarchie de valeur dont l’Evangile des béatitudes constitue le sommet ; en direction de l’extérieur, il s’agit de la mission : l’Esprit donne à chacun la force de Dieu pour oser (oser « sans rougir, même devant les puissants de ce monde », disait le catéchisme de mon enfance) témoigner du Christ.

Du courage, il en faut, sans doute pour oser se dire disciple de Jésus devant ses copains de lycée ou ses collègues de travail… Mais la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, ce Royaume où tout est mis à l’envers, puisque que ce sont les « pauvres » qui y sont rois, ne vaut-elle pas la peine que 1′ on joue sa vie sur elle ? et que l’on ait le désir de la partager avec d’autres ? Le sacrement de la confirmation a été en tout cas donné par Dieu à l’Eglise pour qu’elle y trouve cette force de l’Esprit qui fait des chrétiens, timides et apeurés comme les disciples au soir de la mort de Jésus, des témoins audacieux d’un Evangile qui donne vraiment à vivre …

P. Louis-Marie Chauvet

« L’église maintenant, c’est pas pareil »

1 décembre 2005

Elle n’a pas protesté, la dame à qui je venais de dire : « la sépulture de votre mari sera assurée par un laïc ». Elle a tout juste poussé un léger soupir et ajouté sur un ton résigné : « L’Eglise, maintenant, c’est pas pareil ». Certains, pris de nostalgie, regrettent que l’Eglise change. Mais comment pourrait-elle ne pas changer puisqu’elle est faite, cette Eglise, de vous et de moi, c’est-à-dire de personnes qui, fût-ce à leur corps défendant, respirent un air culturel tellement différent de celui d’autrefois ?L’un des aspects les plus frappants de ce changement dans notre Eglise catholique est le nouveau type de rapport et de collaboration qui s’est instauré entre prêtres (et diacres) et laïcs. Beaucoup en ont fait l’expérience depuis plusieurs années : quand ils sont venus demander un baptême, un mariage, une sépulture…, ils ont été accueillis par un laïc ou une laïque. Plus encore : la préparation elle-même, souvent à travers quelques réunions, a été assurée par des laïcs. Et durant la célébration elle-même, ces derniers ont parfois un rôle important à côté du prêtre ou du diacre, quand ils ne président pas eux-mêmes la cérémonie, comme c’est désormais fréquemment le cas pour les sépultures (en ce cas, ils le font au titre d’une mission qui leur a été nommément confiée par l’évêque).Irions-nous donc, comme certains journalistes en quête de nouveautés n’ont pas manqué de l’écrire, vers « une Eglise sans prêtres » ? Assurément non ! Simplement, il faut réaliser que beaucoup des tâches que le prêtre assurait de fait depuis plusieurs siècles (époque où il faisait quasiment tout, le peu qu’il ne faisait pas étant assuré par des laïcs qu’il considérait et qui se considéraient eux-mêmes comme des « aides » ) ne lui revenaient pas de droit, c’est-à-dire n’étaient pas liées au sacrement de l’ordination par lequel il était devenu prêtre. Car la mission spéciale du prêtre, mission pour laquelle, selon la théologie catholique, il est irremplaçable, c’est de présider la communauté chrétienne et les sacrements (notamment l’eucharistie) « au nom au Christ », c’est-à-dire de manifester que c’est le Christ qui préside. Or « présider au nom du Christ », ce n’est sûrement pas « faire à la place des autres chrétiens » (même si, dans une société très hiérarchisée comme autrefois on a tendu à confondre les deux choses !) C’est au contraire promouvoir les responsabilités de tous les chrétiens… Alors, où sont les prêtres dans tout cela ? Rassurez-vous, ils existent ! Et beaucoup d’entre eux vivent avec bonheur la situation actuelle. D’où leur vient donc ce bonheur ? De ce qu’ils perçoivent la situation actuelle de manière positive, c’est-à-dire comme une impulsion que le Saint-Esprit donne à l’Eglise pour qu’elle change de visage. L’Eglise est en effet dans une situation de transition. Pas au sens négatif, où dès que les prêtres redeviendraient suffisamment nombreux, il faudrait se hâter de fermer la parenthèse d’une période où l’on n’aurait « pas pu faire autrement » que de « se faire aider » par des laïcs. Non, il s’agit d’une transition positive : l’Eglise est « en transit », en « passage » (c’est le sens même du mot « Pâques ») vers un nouveau visage d’elle-même. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois dans l’histoire : on l’a vu après la paix constantinien-ne (313), au moment de la réforme grégorienne (fin XIe s.), après le concile de Trente (XVIe s. )… Nous sommes en tout cas fondés à penser que la physionomie que notre Eglise avait acquise depuis le Moyen Age est en train de changer. Quelque chose de neuf est en train de naître, un quelque chose où la collaboration entre laïcs et ministres ordonnés (prêtres et diacres), collaboration sans confusion des rôles et des fonctions, apparaîtra comme le mode normal d’animation de nos communautés chrétiennes.Evidemment, un tel passage, comme tout accouchement, ne se fait pas sans douleur. Mais quand on fait l’expérience (et nous sommes nombreux à la faire à St Leu) des fruits que cette collaboration permet et du bonheur qu’elle donne aussi bien aux prêtres qu’aux laïcs, on se dit que l’épreuve vaut vraiment la peine d’être traversée. Celui qui écrit ces lignes peut témoigner qu’il se sent d’autant mieux dans son identité de prêtre qu’il vit au quotidien, et sur les questions de fond, une telle collaboration.A NOËL, nous fêtons, comme disent les anges, la « Bonne Nouvelle » d’une naissance : la naissance, au couvert de l’Esprit, d’un « Sauveur » pour tous les peuples de toute l’histoire. Que le même Esprit insuffle à notre Eglise les audaces nécessaires pour les transformations que requiert l’annonce de l’Evangile en notre temps !

Père Louis-Marie Chauvet

« J’avais faim et vous m’avez donné à manger »

20 novembre 2005

La fête du Christ Roi, qui clôture l’année liturgique, nous met devant les yeux un drôle de « Roi », un roi dont le visage se donne à reconnaître à travers
celui du pauvre, du malade, du prisonnier… A la fin du IVème siècle, l’évêque de Constantinople, par ailleurs immense théologien, St Jean Chrysostome,
n ‘hésitait pas, dans sa basilique de Constantinople , à fustiger les chrétiens à ce propos … Voici un extrait de ce qu ‘il leur disait à ce propos…

Tu veux honorer le Corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu’il est nu. Ne l’honore pas ici, dans l’église, par des tissus de soie, tandis que tu le laisses dehors souffrir du froid et du manque de vêtements. Car celui qui a dit : Ceci est mon corps , et qui l’a réalise en le disant, c’est lui qui a dit : Vous m’avez vu avoir faim et vous ne m’avez pas donné à manger, et aussi : Chaque foi que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, c ‘est à moi que vous ne l’avez pas fait. Ici le corps du Christ n’a pas besoin de vêtement mais d’âmes pures ; là-bas il a besoin de beaucoup de sollicitude.
Je ne vous dis pas cela pour vous empêcher de faire des donations religieuses, mais je soutiens qu’en même temps et même auparavant, on doit faire l’aumône. Quel avantage y a-t-il à ce que la table du Christ soit chargée de vases d’or, tandis que lui-même meurt de faim ?
Commence par rassasier l’affamé et avec ce qui te restera, tu orneras son autel. A quoi bon revêtir la table du Christ de voiles d’or, si tu ne lui donnes pas la couverture qui lui est nécessaire ? Qu’y gagnes-tu ? Dis-moi donc : si tu vois le Christ manquer de la nourriture indispensable et que tu l’abandonnes pour couvrir l’autel d’un revêtement précieux, est-ce qu’il va t’en savoir gré ? Est-ce qu’il va plutôt s’en indigner ? Ne va-t-il pas dire que tu te moques de lui, estimer que tu lui fais injure, et la pire des injures ?
Je ne dis pas cela pour empêcher de faire de telles générosités, mais je t’exhorte à les accompagner ou plutôt à les faire précéder par les autres actes de bienfaisance. Car personne n’a jamais été accusé pour avoir omis les premières, tandis que, pour avoir négligé les autres, on est menacé de la géhenne, du feu qui ne s’éteint pas, du supplice partagé avec les démons. Par conséquent, lorsque tu ornes l’église, n’oublie pas ton frère en détresse, car ce temple-là a plus de valeur que l’autre.
Les exigences de l’évangile, ici vigoureusement rappelées, ne sont pas là pour nous culpabiliser de manière malsaine : nul en effet n ‘est à la hauteur. Dieu, d’ailleurs, n ‘attend pas que nous soyons à la hauteur pour nous accueillir dans son amour sauveur : ce ne sont pas nos bonnes actions qui nous justifient, a souligné Saint Paul, mais le Christ en qui nous mettons notre foi. Puissent donc ces lignes être, non pas culpabilisantes, mais stimulantes …

P. Louis-Marie Chauvet

Quand la rue est devenue le premier milieu de vie …

6 novembre 2005

Les violences gui agitent tragiquement nos banlieues depuis plus d’une semaine ne laissent personne indifférent. En tant qu’éducateur spécialisé, le Père Jean Marie Petitclerc, prêtre salésien, connaît bien ces problèmes. Dans le dernier numéro de la Lettre, organe des semaines sociales de France (journées annuelles de réflexion chrétienne sur les problèmes de société, organisées par les Jésuites, il a écrit ces lignes que je vous transmets…
L.M. Chauvet, curé de St Leu la forêt

Pour un bon nombre d’enfants des villes et des campagnes, la rue est un espace interstitiel, l’éducation s’effectuant principalement dans d’autres lieux : la famille, l’école et le tiers associatif. Pour eux, la rue est essentiellement un lieu de circulation. Mais pour beaucoup d’enfants et d’adolescents que nous côtoyons dans les quartiers sensibles, la rue est bien plus que cela. Certes, ils ont un lit chez eux, mais les difficiles conditions matérielles (étroitesse du logement, absence d’équipements,…) et l’ambiance familiale, souvent conflictuelle, sont parfois difficiles à supporter. Et leur scolarité est souvent marquée par l’échec et l’absentéisme. Ils préfèrent la liberté de la rue. Ils passent régulièrement dans l’appartement familial, tentent de sauvegarder une relation affectueuse surtout avec leur mère et utilisent ces séjours pour se restaurer, se laver, se changer. Ils ne sont donc pas stricto sensu des enfants de la rue. Mais on constate cependant que , peu à peu, c’est la rue qui devient leur «chez eux», l’appartement familial n’étant plus qu’un lieu de passage. Leur référentiel de valeurs, leurs modèles , leur vocabulaire, leurs mode de vie, c’est dans la rue qu’ils se les forgent. Ils y passent le plus clair de leur temps. Ce. n’est plus seulement alors un espace interstitiel, mais un véritable espace référentiel, lieu de construction de l’identité culturelle. Cela devient un vrai lieu de transmission. (…)
Leur langage est très spécifique. L’utilisation massive, non seulement du verlan, mais aussi de néologismes fabriqués à partir de racines culturelles différentes, le rend de plus en plus hermétique au non-initié. Les adultes se trouvent ainsi de plus en plus exclus de ce type de communication , le langage étant celui d’un « entre-jeunes ». Et alors qu’il y a une dizaine d’années, les jeunes savaient jouer d’un double langage, le leur utilisé entre eux et le français légitime dans les institutions tenues par les adultes, ils ont aujourd’hui tendance à n’utiliser partout que le premier (…) Dans le langage de la rue, les insultes verbales son totalement banalisées. Alors, ne disposant pas de mots pour traduire ses émotions et tous les «gros mots» devenus banaux, il ne reste au jeune que la violence pour exprimer son mal-être. Dans la rue, la seule manière pour un jeune de cité d’exprimer qu’il ne va pas bien , c’est le recours à la violence. Car s’il se mettait à pleurer, son image serait atteinte.
La violence devient ainsi le mode d’expression privilégié. Elle est utilisée, non seulement à l’égard des adultes et des institutions, mais de plus en plus dans l’entre-jeunes. La plupart des victimes de la violence des enfants et adolescents sont eux-mêmes enfants et adolescents, comme le prouve l’actualité terrifiante de récents faits divers. Une telle violence est souvent utilisée non seulement comme mode d’expression (type de langage), mais aussi comme mode d’action (code de conduite) et une hiérarchie interne s’effectue chez les jeunes de cité par rapport à leurs performances dans son usage.
On le voit , un tel référentiel de valeurs est loin du référentiel de citoyenneté enseigné dans l’école républicaine. Cependant, il ne faut pas avoir une image totalement négative de la culture de la rue, car celle-ci constitue aussi un formidable lieu de créativité. D’ailleurs, tout ce qui aujourd’hui caractérise la culture «jeunes», que ce soit dans le domaine de la chanson (le rap), la danse ( le hip-hop), la mode (le port du Jean au-dessous des hanches) n’est-il pas né dans la rue ?
Et si l’important, pour l’avenir de notre société, consistait à créer des passerelles entre la rue et les différentes institutions ? Il est urgent de développer la médiation interculturelle.
Père Jean Marie PETITCLERC

P. Louis-Marie Chauvet

La brocante

18 septembre 2005

Comme chaque année, ce dimanche de septembre voit nos trottoirs et rues de St Leu remplis d’objets plus ou moins hétéroclites et de monde : c’est la brocante… La brocante, c’est, par un côté, la nostalgie, les retrouvailles avec le passé, le sentiment de revenir à ses racines, réelles ou idéalisées. C’est aussi le présent, notamment les liens que la fête permet de tisser dans un climat de bonheur.
Créer des liens : le « renard » du « Petit Prince était un finaud. Quoi de plus important en effet ? Pour les chrétiens, cela est vraiment « essentiel », s’il est vrai que 1′ « essence » ou l’être même de Dieu réside dans les relations mutuelles entre les « personnes » de la Trinité ; s’il est vrai, du même coup, que la forme fondamentale du témoignage que les chrétiens sont appelés à rendre à Dieu consiste à jeter des ponts entre les personnes et les groupes dans le respect de leurs différences de culture ou de religion ; s’il est vrai, finalement, que Jésus a donné sa vie pour que « le Juif et le Grec », « l’esclave et l’homme libre », « l’homme et la femme » fassent de leurs différences un chemin de communion et non d’exclusion (Gai 3,26-28).
Voilà qui nous ramène à l’essentiel en effet. Notre foi au Christ ne pourrait pas se vivre, elle ne pourrait même pas exister, sans se manifester dans une institution religieuse, avec ses nécessaires règles liturgiques, morales, disciplinaires, etc.

Mais la « religion » est toujours piégée. Saint Paul a fait l’expérience de ce que permet la « liberté chrétienne » à cet égard, lui qui avait éprouvé le sentiment d’étouffer dans l’interprétation pharisienne de la Loi de Moïse : « Le royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit-Saint (…) Recherchez donc ce qui contribue à la paix et ce qui nous associe les uns aux autres en vue de la même construction » (Rom 14,17-19). Et si nous vivions ainsi spirituellement une fête comme celle de la brocante ?

P. Louis-Marie Chauvet

La Lettre Pastorale de notre évêque

11 septembre 2005

« En marche vers le Jubilé diocésain » : tel est l’intitulé de la lettre pastorale de notre évêque, lettre à travers laquelle il manifeste son désir de nous rejoindre pour nous encourager à nous remettre en route à la suite du Christ. Son appel résonne de manière particulièrement forte en cette année du 40° anniversaire de la création de notre diocèse. Deux traits principaux traversent cette lettre : / ‘appel à la sainteté et / ‘appel à la mission.
L’appel à la sainteté va de pair avec la foi au Christ et le baptême que nous avons reçu en son Nom. Il n’a donc rien de nouveau. Et pourtant, nous vivons dans un monde qui, si l’on ose l’expression, nous « condamne » à être des « spirituels ». La plupart d’entre nous le ressentent avec une vigueur plus grande qu’autrefois : la culture actuelle nous oblige à nous « re-positionner » par rapport à l’Evangile, à « rechoisir » le Christ ; nous ne pouvons plus vivre comme chrétiens simplement par « héritage ». Cette exigence nous requiert de revenir nous abreuver à la Source vive de la Parole de Dieu et de l’Eucharistie. Elle nous requiert de ré-entendre l’appel à la sainteté que le Christ nous adresse. Le premier mouvement, par conséquent, que notre évêque aimerait nous aider à faire nôtre en cette année jubilaire est un mouvement d’intériorisation de la foi et d’approfondissement de notre lien au Christ dans la prière.

L’appel à la mission constitue le second mouvement. Notre évêque met en relief deux choses à cet égard,. D’abord, il souligne l’espérance que lui donne «la foi, le dévouement, l’abnégation, la générosité, l’esprit missionnaire animant les disciples du Christ dans notre diocèse ». De ce point de vue, notamment quand on pense à tous ces laïcs qui, à St Leu comme ailleurs, donnent de leur temps et de leur personne pour servir l’Evangile dans leur paroisse, dans leur aumônerie… ou dans la société civile, on se dit que jamais peut-être l’Eglise n’a été aussi vivante ! En revanche, et c’est là « un souci quotidien pour l’évêque et ses collaborateurs », la prise en charge des communautés pose de graves questions, notamment du fait du vieillissement et de la diminution du nombre des prêtres…
Le double mouvement qui vient d’être dessiné est magnifiquement résumé dans le « slogan » de cette année jubilaire : «Construisons l’avenir… 11 est don de Dieu». Cette formule n’est paradoxale qu’en apparence : Dieu ne veut rien faire et ne fera rien sans nous ; mais nous, quand nous faisons, souvenons-nous toujours que ce que nous faisons est fondé sur la grâce de Dieu ! Tel est d’ailleurs le difficile point d’équilibre vers lequel nous conduit la foi chrétienne : prise en mains et ouverture des mains ; urgence de notre prise de responsabilité et remise de soi confiante à la grâce de Dieu ; don sans réserve de nous-mêmes et réserve du dernier mot à Dieu seul ! Puisse ce Jubilé, qui sera inauguré le premier dimanche de l’Avent, nous stimuler dans cette direction !

P. Louis-Marie Chauvet