« … des bouts du monde »

2 janvier 2005

« Qui es-tu, roi d’humilité,
roi sans palais, roi sans armée ?
Nous sommes venus t’adorer
des bouts du monde »

Magnifique hymne qui évoque, avec toute la savoureuse naïveté que permet la poésie, ces « bouts du monde » auxquels nous ouvre la fête de l’Epiphanie. «Epiphanie», c’est-à-dire «manifestation» de Dieu à travers Jésus enfant à toutes les nations représentées par les «mages». A certains égards, pas besoin d’aller les chercher bien loin, ces «bouts du monde» : ils peuvent être à notre porte, à travers celles et ceux qui, à mille lieues de la foi chrétienne, vivent une plus ou moins longue traversée du désert, à la recherche de l’étoile divine qui les guidera dans la vie. Ces enfants, ce conjoint, ces voisins de quartier, ces collègues de travail – bref, ces gens si proches de nous et si semblables à nous en même temps que si éloignés de nous sur le plan de la foi au point parfois qu’on a le sentiment d’une totale incompréhension sur ce qui nous paraît pourtant le plus fondamental, n’avons-nous pas envie de les hisser dans les chariots des mages ? de leur dire : « celui que vous cherchez, nous l’avons trouvé… Venez et voyez » (cf. Jn 1 ) ?
Ces «bouts du monde», ce sont aussi ceux, si tragiquement réels, du raz-de-marée et de ses 120000 (?) 150000 ( ?) victimes en Asie du Sud-Est. Nous sommes à l’heure de la mondialisation ; non plus seulement de l’économie, mais, à travers les médias, du malheur. Pourquoi ne pas espérer la mondialisation de la fraternité ? Pourquoi l’immense vague de la mort ne susciterait-elle pas une vague d’amour plus forte encore ? N’en voyons-nous pas les signes possibles à travers ces millions de personnes qui donnent de leur temps, de leur argent et surtout de leur personne pour aider, consoler et, déjà, reconstruire… ?
Cela nous semble fragile ? Mais un visage d’enfant n’est-il pas, lui aussi, bien fragile pour dessiner le visage de Dieu lui-même ? Alors, ces signes fragiles, hissons-les aussi dans les chariots des mages pour le présenter à Jésus. Il accepte tout, pourvu que cela soit l’expression de l’amour. Les « manières » des uns ne sont pas celles des autres : les mages nous le disent à travers ces quelques mots de l’hymne évoquée plus haut, mots qui ne manquent pas d’humour :
« Que feras-tu de ces présents, de ces bijoux, de notre encens ?
Nous les avions pris en pensant à nos manières… »

Père Louis-Marie Chauvet

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