Homélie du Dimanche, 2ème semaine du Temps Pascal

19 avril 2020

 

          Une chose m’a frappé en méditant les récits des apparitions du ressuscité aux disciples pendant cette semaine de Pâques : il se manifeste dans des circonstances déroutantes, inattendues, où les disciples peinent à le reconnaitre ; et à chaque fois, Jésus les rejoint précisément là où ils souffrent, là où ça fait mal. Regardons ensemble :

  • Au matin de la résurrection, Jésus se tient près de Marie Madeleine en larmes au bord du tombeau ; il lui demande : « femme, pourquoi pleures-tu ? » ; et c’est alors que Marie Madeleine va pouvoir se tourner vers lui

  • Le soir même, il marche aux côtés des disciples d’Emmaüs, qui sont découragés, abattus, tout tristes ; il écoute leur déception et c’est à partir de là qu’il leur ouvre l’intelligence des Ecritures qui rend leur cœur tout brulant.

  • Puis il franchit les portes closes pour se manifester aux disciples enfermés par la peur, et il leur donne sa paix.

  • On le retrouve encore sur le rivage de la mer de Galilée, interpellant les disciples après une nuit de pêche infructueuse, les invitant à manger. Il leur révèle sa présence au moment où ils vivent l’expérience de l’échec.

  • Plus tard, il apparaitra aussi à Paul sur le chemin de Damas, son chemin de haine et de violence ; il lui demandera : pourquoi me persécutes-tu ? Et Paul en sera retourné à jamais.

A chaque fois, il se tient au plus près des blessures de ceux qui vont devenir témoin de sa résurrection : il les rejoint dans leurs peines, leurs larmes, leurs échecs, leur péché. C’est là qu’il manifeste la puissance de sa résurrection.

Et c’est bien le cas dans l’Evangile de ce dimanche : Jésus rejoint Thomas dans sa difficulté à croire. Thomas a un problème de confiance. Pas seulement de foi au ressuscité, mais de confiance envers ses compagnons : il ne peut s’appuyer sur ce qu’ils racontent. Ce manque de confiance, symboliquement, le met en marge du groupe : il n’était pas avec les autres… Celui qui ne fait confiance à personne, qui veut tout juger et vérifier par lui-même, ne peut être qu’isolé. Peut-être cette difficulté à faire confiance s’enracine-t-elle dans une expérience douloureuse… toujours est-il qu’il ne sait pas faire autrement. Il faut qu’il voie, il faut qu’il touche. Et Jésus le rejoint dans cette difficulté, dans ce handicap.

Avance ta main, mets ta main dans mon côté… sois croyant. Pour guérir sa confiance, Jésus invite Thomas à toucher ses blessures, c’est-à-dire à comprendre que la vie de la résurrection n’est pas une vie factice, artificielle, un mirage vendeur, mais qu’elle s’enracine dans l’histoire douloureuse de la Croix. Il restaure ainsi sa confiance et la nôtre en nous montrant qu’il ne s’agit pas d’une autre vie, sans rapport avec notre réalité, mais que la résurrection jaillit dans notre vie, telle qu’elle est, en ne méconnaissant aucune des souffrances de l’existence humaine. Si la résurrection est source de joie, c’est parce que le ressuscité est bien le crucifié !

En l’invitant à toucher ses blessures, Jésus donne à Thomas de toucher sa propre blessure. Car sur la croix, « ce sont nos blessures qu’il portait, nos souffrances dont il était chargé », comme nous l’avons entendu vendredi saint dans la lettre de saint Pierre. Thomas touche ainsi sa propre blessure prise dans la lumière de la résurrection. Sa difficulté à croire, à faire confiance est assumée, saisie dans la victoire du Christ. Comme s’il disait : je sais ton incrédulité, tes doutes, ta foi chancelante, je les ai portés, et c’est là que je viens te rencontrer. Ils ne m’empêchent pas d’être près de toi, ils ne t’empêchent pas de me reconnaitre… Et Thomas, touché au cœur, s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Au cœur du doute jaillit la plus simple et la plus belle des professions de foi.

Et c’est bien là le secret de la miséricorde que nous célébrons aujourd’hui : dans sa passion et sa résurrection, le Christ Jésus a porté tous nos maux, nos faiblesses, nos handicaps, nos péchés et les a fait entrer dans la lumière. Ils ne sont plus un obstacle qui nous éloigne de Dieu, mais le lieu de la victoire du Christ, le lieu du jaillissement surabondant de sa vie. C’est par nos failles que nous pouvons percevoir la lumière du Ressuscité. Accueillir la miséricorde c’est précisément faire l’expérience du Ressuscité, c’est laisser sa résurrection faire son œuvre en nous. La miséricorde, c’est la vie de la résurrection qui passe dans nos blessures et nous fait entrer dans l’immense joie des sauvés.

Cette joie est telle que peut-être, comme les disciples, nous n’osons pas encore y croire : c’est trop beau ! Laissons ce matin le Ressuscité nous rejoindre dans nos blessures qu’il a portées sur la Croix, avançons la main pour les toucher, transfigurées ; reconnaissons sa victoire au plus intime de nos vies, de nos défaites. Acceptons d’accueillir la joie de la résurrection au cœur de nos pauvretés, nos pesanteurs, comme un don immérité, au-delà de tout entendement, de tout raisonnement. Acceptons de croire enfin au don gratuit et surabondant de Dieu qui nous fait entrer avec Jésus dans la Vie ! Jésus nous y invite, à la suite de Thomas : « avance ta main, mets ton doigt dans mon côté… touche mes blessures qui sont les tiennes… cesse d’être incrédule, sois croyant ! »

Père Samuel

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