Inévitable itinérance du chrétien

20 avril 2013

Cet évangile du Bon Berger est connu, trop connu peut-être, pour en être surpris aujourd’hui. Et pourtant, que de questions il soulève! Pour parler de la confiance en un guide spirituel, en une foi, en un Messie, Jésus aurait pu prendre d’autres images, parler un autre langage, que celui de l’élevage de caprins dans la méditerranée du sud-est…

Mais c’est celui-là qu’il a choisi. La transhumance des troupeaux, l’exil de la bergerie pour aller vers les pâturages, la difficulté à trouver un bon berger et pas seulement un mercenaire qui se fait embaucher par intérêt… Tout cela était au coeur de la vie des siens de ce temps-là. Le bon berger, c’était un peu un cadeau du ciel, quelqu’un qui aimerait assez le troupeau pour s’y intéresser, pour connaître chaque brebis par son nom et se soucier d’elle, et pas seulement chercher à gagner de l’argent en s’occupant d’un troupeau dont on n’a rien à faire. Le bon berger est désintéressé, il est passionné de ce qu’il fait. Heureux la bergerie qui reçoit un tel don de Dieu.

Et Jésus se définit comme un berger de ce type-là, un berger d’amour. Comme s’il était important de dire que, contents ou non, nous sommes assimilables aux brebis. Tout le monde déteste cela, et moi le premier, d’être ravalé au rang de brebis bêlante. Et pourtant ! Il suffit de regarder comment se répandent les modes, les rumeurs, les opinions, pour nous rendre compte que nous ne sommes jamais ces êtres si parfaitement intelligents qu’ils n’auraient besoin de suivre personne. Nous suivons toujours quelqu’un, que ce soit l’avis de l’expert en criminologie qui vient pérorer au « 20 heures », et qui au nom d’une soi-disant expertise énonce des vérités irréformables. Ou cet homme politique qui dit comment il fera mieux que les autres, ou tel astrophysicien qui dit que la relativité d’Einstein est toujours incontournable, ou l’autre qui dit exactement le contraire. Nous mettons notre foi dans le constructeur de notre voiture, ou celui qui a construit l’avions dans lequel nous montons, ou tel esthète qui affirme que ce tableau est tellement tendance… Avouons-le tout net, nous passons bien plus de temps, nous dépensons bien plus d’énergie à croire qu’à savoir, à suivre qu’à démontrer ou à analyser. Mais peu importe, c’est ainsi, nous aimons à nous illusionner sur notre pseudo-indépendance d’esprit. Soit.

En tout les cas, Jésus, lui, n’y va pas par quatre chemins, son peuple, ceux qui lui sont confiés, ne peuvent aller là où ils doivent aller, sans lui. Il y a trop de risques, de pièges, d’impasses. Le pâturage où le troupeau se rend, c’est le but même de toute vie, car toute vie est mouvement. C’est cela aussi qu’il enseigne. Pas de repos dans l’étable, ou du moins pas tout de suite. Car pourquoi un troupeau quitte-t-il le calme reposant mais un peu enfermant, de l’étable ? Vous êtes-vous posés la question ? Parce que la bonne nourriture est ailleurs, il faut se déplacer pour la trouver. Rien ne va de soi. Mine de rien, Jésus fixe le programme : la vie de disciple implique un déplacement, et peut-être le déplacement physique de la parabole figure-t-il le déplacement intérieur auquel nous sommes appelés. Quitter les conforts qui font dormir, les habitudes mortifères, les fausses facilités. Sortir de l’habitude et de l’enferment, accepter le chemin. Bizarre de constater à quel point cette histoire de chemin revient constamment dans l’enseignement du Christ ! Que penser alors d’un chrétien qui dirait: « ça fait 25 ans qu’on fait comme ça, il n’y a pas de raison de changer », ou bien « je sais très bien ce qu’il faut faire, je n’ai pas besoin de me poser de questions, encore moins de changer », ou bien encore « de doutes ? De questions ? Moi ? Non, jamais, tout va de soi », ou bien encore « pas question de modifier quoi que ce soit à ma vie ».

Eh bien heureux sont-ils, ou malheureux sont-ils. Car ils ne savent pas alors, ceux-là, qu’il faut un berger. L’Eglise, la vie chrétienne, pour eux, c’est l’étable, la nourriture à heure fixe, les certitudes, un certain confort spirituel. Mais le chemin, les cols escarpés, les précipices, la nuit qui tombe ou le vent qui souffle, qui menace à tout instant, les loups qui ne pensent qu’à se repaître, et qui rôdent… tout cela, à leurs yeux, n’existe pas. Donc pas besoin de Jésus, juste de son Eglise, mais c’est alors l’Eglise-étable plutôt que l’Eglise-étape. Tant pis, mais Jésus pourtant a prévenu : nul ne va vers le Père sans passer par lui. Mais pour aller vers le Père, c’est bête de le dire car c’est quand même ce pour quoi nous sommes faits et créés, il faut sortir, passer la porte. Et nul ne la passera pour nous. Voilà encore cet incroyable Jésus ! Nous pensions entendre parler ce matin de panurgisme, de moutonisme, de conformisme spirituel, et voilà que son Evangile nous parle de risque, de liberté, de mouvement, de danger, de chemin et d’accomplissement. Amis membres du troupeau, amis agneaux et brebis dont je partage la condition, n’oublions jamais qu’il n’y a pas de berger qui n’ait d’abord partagé la condition des brebis. Jésus lui-même est passé par là, lui qui est l’agneau de Dieu. Suivons-le non pas parce qu’il nous le commanderait comme un maître à son esclave, mais parce que chemin, il l’a lui-même déjà parcouru. Croyez-moi, il sait où il va. En avant, courage, la route est encore longue !

  Père Émeric DUPONT

2 réponses à Inévitable itinérance du chrétien

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