Le fait que Dieu soit Père

21 mai 2012

Un Dieu Père… voilà qui, depuis des lustres, tracasse féministes et partisans de la parité. Une grande injustice, sans doute, si l’on regarde cette révélation pluriséculaire par le petit bout de la lorgnette. Faut-il y avoir un reflet passéiste des conceptions anciennes, où le masculin était prédominant ? Il serait simpliste d’en rester là. Car c’est ainsi que dans l’épisode de l’Exode, Dieu ne se révèle pas comme Mère et source de vie, même s’il engendre à une vie nouvelle, il donne surtout les moyens au nouveau-né qu’est Israël de conserver cette vie. Il donne la loi, qui est un repère, un garde-fou, une sorte de « vie, mode d’emploi » qui permet d’envisager l’autonomie. Cette fonction du don de la loi, les éducateurs et ceux qui réfléchissent à ces questions en ont fait un des aspects les plus essentiels de la fonction paternelle. Dans le monde ancien, le père donnait le nom à l’enfant, il était celui qui permettait la séparation nécessaire, salutaire et douloureuse, d’avec la mère.

Le don de la loi, des principes, des règles, des repères, n’est rien d’autre qu’une autre manière d’engendrer, de donner la vie. Bien sûr, dans bien des cas, dans des situations de familles monoparentales, un seul parent doit jouer ce double rôle. Mais nous savons bien que ce combat courageux pour mener seul l’éducation de l’enfant ne se fait pas sans difficultés supplémentaires qui rendent le processus de différentiation qu’est la croissance de l’enfant, plus délicat. C’est ainsi. Beaucoup d’études sérieuses affirment qu’en ce début de XXIème siècle, la paternité est en crise.

Le sens commun nous rappelle qu’elle implique nécessairement la responsabilité de nourrir, de protéger et d’enseigner, mais ce n’est pas suffisant. Du point de vue chrétien, un père accompli est appelé à devenir un modèle vivant d’amour, de vérité et de sainteté.

Si des hommes éprouvaient le besoin de retrouver leur paternité supposément perdue, ils auraient à coeur de considérer attentivement deux modèles : Dieu le Père, et saint Joseph, père nourricier de Jésus et époux de Marie. La paternité divine nous est présentée dans les Écritures qui nous montrent Dieu créateur de l’univers et veillant sur ses créatures : « Dieu créa l’homme à son image… » (Gen. 1.27-28). « Comme un homme châtie son fils, l’Éternel, ton Dieu, te châtie » (Deut. 8.5). La paternité divine est particulièrement évidente dans sa relation avec son Fils qui l’appelle : « Abba, Père » (Rom. 8.15). Dans une perspective catholique, depuis le Christ, on peut voir que notre relation avec Dieu est celle d’un Père avec ses enfants. Les vrais pères doivent eux-mêmes vivre une vie d’amour, de discipline et d’obéissance au Père des pères avant de pouvoir l’enseigner ou s’y attendre dans leur famille.

Joseph, père nourricier de Jésus, est un modèle de paternité véritable. Il n’était pas un père biologique mais il donne l’exemple de l’amour et de la responsabilité qu’un père devrait avoir pour le bien-être moral, physique et spirituel des autres. C’est ce qu’a révélé son attitude à l’égard de Marie à qui il a voulu épargner le scandale lorsqu’il a su qu’une vierge à laquelle il était fiancé attendait un enfant. Joseph, qui « … ne voulait pas la diffamer publiquement, résolut de la répudier secrètement » (Mat. 1.19-20). C’est la même responsabilité dont il a fait preuve pour protéger la vie de son fils en fuyant en Égypte avec sa famille lorsque l’ange l’a averti : « Et Joseph, s’étant levé, prit de nuit le petit enfant et sa mère, et se retira en Égypte » (Mat. 2.13-14). Cette préoccupation est également évidente dans la réaction de Marie et de Joseph qui retrouvent Jésus dans le Temple après trois jours de recherche : « Ton père et moi nous te cherchions, tout angoissés » (Luc 2.48).

Une paternité véritable invite les hommes à remplir leur plus grande obligation, à aimer de façon inconditionnelle, à vouloir le bien de l’autre sans rien attendre en retour, à se sacrifier pour la famille et pour les autres. L’amour d’un père ressemble à celui du Christ : « Nous, nous l’aimons parce que lui nous a aimés le premier » (1 Jean 4.19). Cela signifie suivre le modèle de l’amour du Christ, mort volontairement sur la croix pour nous donner la vie éternelle et donner vie à sa Vie nouvelle, une vie abondante qui croît en grâce et en sainteté : « Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jean 15.5).

Père Emeric DUPONT, Curé

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