Chers paroissiens de Saint Leu,

27 juin 2010

Ainsi est la vie en Eglise : nul n’est propriétaire de la « mission ». Dans la foi, on s’y reconnaît envoyé ; envoyé par le Christ … Oui, je sais, ce genre de formule peut paraître d’un cléricalisme « convenu ». C’est sans doute parce que j’ai appris à me méfier des « convenances » (surtout quand elles sont cléricales…) que je crois pouvoir la reprendre sans être (trop) dupe en la faisant spirituellement totalement mienne. Oui, me dis-je encore aujourd’hui, c’est le Christ qui m’a envoyé comme prêtre vers vous ; et c’est le Christ qui me demande de vous quitter pour aller « dans les villes voisines » « annoncer la Parole de Dieu » (Marc 1,38)…

Je suis arrivé voici six ans, rappelez-vous, avec Jean Bureau. Je me plais à rappeler au passage et à saluer à nouveau l’audace qu’il a fallu à Jean, comme « simple » laïc, une audace qu’il a vécue de manière généreuse, désintéressée et évangélique, pour venir partager ma mission ici afin de me permettre de continuer à exercer mon activité universitaire à la Catho. Nous avons été rejoints quelques semaines plus tard par le P. Serge. Il débarquait en Europe pour la première fois depuis son Congo natal. Non sans appréhension, ce qui est bien normal. Mais il a vite partagé l’amitié de nombreux paroissiens, si bien qu’il se trouve aujourd’hui vraiment chez lui à St Leu. Partager le même toit avec lui a été pour moi un plaisir : sa gentillesse et sa disponibilité ont été constantes. Merci à lui !

Vous dire combien mon départ m’est un arrachement peut paraître quelque peu démagogique. Ici encore, c’est sans doute parce que j’ai appris à me méfier des tactiques (même, et surtout ! inconscientes) de la démagogie que je crois pouvoir vous le dire quand même… C’est avec vous que j’ai vécu ma première expérience de curé. Auparavant, ma première mission ayant été, durant 35 ans, d’être professeur de théologie à la Catho de Paris, j’était « simple » vicaire. Même si mes activités pastorales en paroisse ont alors été relativement importantes (Cergy, puis Eaubonne, puis Cergy de nouveau), elles ne m’ont pourtant pas « saisi » aussi profondément qu’à Saint Leu : mon statut de curé y est, j’en suis sûr, pour quelque chose… Ce n’est pourtant pas tout. Mon attachement à St Leu est lié plus encore à la qualité de la vie paroissiale que j’ai trouvée ici. Lors de notre arrivée, Jean Bureau, le P. Serge et moi-même avons été frappés par la qualité de la vie spirituelle de nombreux paroissiens. C’est, j’en suis toujours convaincu, cet enracinement dans la parole de Dieu et la prière qui a largement permis le reste.

Le reste, c’est cette merveilleuse mobilisation de tous. Je commence évidemment par l’E.A.P. où j’ai eu le bonheur de vivre une expérience de collaboration de très grande qualité : partages d’évangile, discussions de projets pastoraux, répartition des responsabilités, mise en œuvre de celles-ci, rencontres fréquentes (pas simplement lors des réunions de 2 à 3h trois fois par mois, mais dans le quotidien). Une vraie fraternité ! Quel bonheur de porter une paroisse comme curé quand on la porte ainsi, dans une collaboration que la théologie appelle à juste titre « différenciée », avec une équipe de cette qualité… Je l’ai souvent dit : je souhaite à tous mes confères de vivre ainsi leur mission de prêtre…

Et le Conseil Pastoral ! (Vice-)présidé d’abord par Pierre Beauchais, puis par Guillaume Parent, il a su trouver sa place, impulsant, imaginant, agissant (pour reprendre trois verbes qui disent bien sa mission) au bénéfice de tous. Je tiens particulièrement à en remercier les membres pour la manière dont ils ont su mobiliser les forces nécessaires pour mener à bien les projets, souvent très concrets, qui ont vu le jour… Bien qu’il se réunisse moins fréquemment que l’EAP (une fois par mois environ), le Conseil Pastoral a été également un lieu de collaboration, à la fois fraternelle et efficace. En tout cas, j’ai vécu les réunions de ce Conseil avec beaucoup de bonheur… L’autre Conseil, c’est le Conseil Economique. Il est aux commandes de ce qui constitue, comme on le dit souvent, « le nerf de la guerre ». Les réunions, environ trimestrielles, ont été présidées depuis cette année avec bonheur par Benoît Leherpeur, dont j’ai partagé le souci de manifester plus fortement la dimension évangélique et spirituelle de ce que l’on appelle la « gestion du temporel » (même chose du côté de J.M. Zirnheld en ce qui concerne le temporel du doyenné). Comme il se doit, les réunions du C.E. ont été largement consacrées au budget, préparé et présenté par notre très compétente comptable, Danièle Jacob, à laquelle j’adresse un merci tout spécial. Figurez-vous que, grâce à elle, je suis devenu (presque) capable de comprendre le budget paroissial !

Il ne peut être question, après l’ossature ou la structure de la paroisse (l’EAP et les deux Conseils), de dire un mot de chaque Service, que ce soit sur le pôle de la « Parole » (tout ce qui concerne la catéchèse et l’aumônerie), sur celui de la liturgie ou sur celui de la diaconie (Conférence St Vincent de Paul et, depuis cette année, Secours Catholique)… Je laisse donc de côté ici ce qui est plus ancien, mais pas moins nécessaire et pas moins vivant : les équipes d’accueil, à St Gilles et à Notre-Dame, qui se sont renouvelées en esprit autant qu’en personnes (merci Jocelyne, pour la belle organisation à St Gilles, ainsi que Colette pour l’exemplaire tenue des registres paroissiaux ; et merci Marie et Basile pour le « renouveau » apporté à Notre-Dame !) ; la catéchèse (merci, Sandrine, et tous les efforts déployés pour adopter un nouveau parcours de caté, pour faire vivre les DFJV, pour oser plus de contact avec les parents…), l’aumônerie (merci, Gisèle, et les SPCA et la profession de foi), les jeunes confirmands (merci Pierre, Valérie et les autres), les diverses formes de préparation au baptême (merci Pascale), y compris des enfants en âge de scolarité (merci Danielle et Rosa) ; le Service Evangélique des Malades, bien nourri spirituellement et aussi humblement que réellement efficace dans la relation aux malades en maison de retraite ou à la maison (merci, Marine) ; l’Eveil à la foi, avec sa quarantaine d’enfants (merci Anne) ; le catéchuménat (merci les Berwanger et les Butel) ; les divorcés (merci Catherine et Jean-Pierre)… etc. etc..

Je me contenterai de signaler quelques innovations de ces dernières années. Du côté de l’annonce de la Parole de Dieu en lien avec la liturgie, je pense à trois innovations qui, toutes les trois, nous ont valu de la part des participants les meilleurs échos : l’équipe « mariage », avec sa proposition de préparation commune au mariage en cinq soirées, proposition qui a suscité chez les couples, dans le bilan qui en a été fait avec eux, des échos plus que sympathiques ; l’EAFD (équipe d’accompagnement des familles en deuil) : les remerciements de la part des familles sont extrêmement fréquents, ce qui est dû à la qualité de la préparation (une préparation attentive aux personnes, généreuse, évangélique) et de la célébration (pour ma part, je n’ai jamais célébré de sépultures avec autant de bonheur et de sérénité) ; le parcours « sacrement de confirmation » pour les adultes ayant été baptisés tout enfants, en six dimanches matin couronnés par la journée de retraite diocésaine et la célébration de la confirmation par notre évêque à la cathédrale… Nous avons là, sûrement, ce qui doit constituer l’un des axes majeurs de la pastorale dans (au moins) la prochaine décennie : un axe de « première annonce » de la Parole de Dieu pour des personnes qui sont sur le « seuil » de l’Eglise et qui éprouvent le désir de nouer ou de renouer avec une vie évangélique plus intense ou, plus souvent encore, qui n’ « osent » même pas se dire qu’elles en ont le désir et qui trouvent dans la proposition qui leur est faite le déclencheur qu’elles attendaient sans le savoir… Cela, je pense qu’il faut le développer. Et je pense que, dans la paroisse de St Leu, nous avons les atouts en personnes pour le faire…

Car, ce que j’ai beaucoup aimé dans cette paroisse, c’est justement cette capacité d’inventer des chemins d’annonce de l’Evangile qui soient un peu neufs, une capacité protégée de la tentation de se satisfaire « d’avoir fait du neuf » grâce à son enracinement dans la Parole de Dieu et la prière… De ce point de vue, la Commission des Dimanches « Fais Jaillir la Vie », qui a fait preuve d’une grande audace en lançant une formule nouvelle, dont l’efficacité sera améliorée l’an prochain (merci, Pierre) , ainsi que l’équipe du « Relais », ce journal paroissial « toutes boîtes » (6000 exemplaires !), qui, avec succès, a eu lui aussi l’audace de faire peau neuve (merci, Jacques), constituent de vrais chemins d’espérance pour l’avenir… Et l’an prochain, on peut espérer que la formule des petits déjeuners « B’Abba », ou les équipes « Tandem » après le mariage, se développeront. J’estime en tout cas, personnellement, que les efforts à poursuivre dans l’avenir sont à trois niveaux :

(1) Il faut d’abord continuer d’assurer le bon fonctionnement du « cœur » de la paroisse. Ce cœur, c’est prioritairement la liturgie, cette sorte de « pompe aspirante et refoulante », commentais-je dimanche dernier (je vous renvoie, au besoin, à l’édito du 20 Juin), ainsi que, plus largement, tout ce qui permet de se nourrir spirituellement… Ah ! la « retraite dans la vie », que j’aimerais que beaucoup d’entre vous puissent en faire l’expérience ! Ce cœur, c’est aussi la nourriture théologique, cette nourriture qui nous permet d’habiter chrétiennement notre post-modernité non seulement sans complexe, mais avec intelligence et avec bonheur ; qui nous permet, comme vous m’avez souvent entendu le dire, de nous sentir « fiers, humblement fiers, d’être chrétiens »… Il me semble que les cinq ou six soirées des divers « parcours » qui ont été proposés ces dernières années (Credo, Notre Père, St Paul…) font partie de ce qu’on peut déjà appeler un « patrimoine paroissial » ; un patrimoine qui est non seulement à entretenir, mais à développer. Cela me paraît même d’autant plus important que ce qui avait été envisagé comme un bénéfice « collatéral » au départ, à savoir la création de liens entre paroissiens qui ne se connaissent pas ou qui se connaissent assez peu, est devenu en fait l’un des bénéfices majeurs de ce type d’opération…

(2) A partir de là, donc en tirant de cette nourriture spirituelle et théologique les énergies dont on a aujourd’hui particulièrement besoin, il faut, je crois, développer encore davantage des audaces missionnaires nouvelles. Je nous trouve trop timides à cet égard… Sans doute, parce que nous ne sommes pas encore suffisamment imprégnés de la « force de l’Evangile » (comme dit St Paul) ou de l’ « assurance » intérieure qui animait les apôtres (comme le dit Luc dans les Actes) pour assumer les risques que requiert aujourd’hui le témoignage de l’Evangile…

(3) Quant au troisième volet des efforts à poursuivre dans l’avenir, ce n’est pas le plus simple, tellement il est « gratuit » et « non rentable », celui-là. Je veux évidemment parler de la « diaconie »… Il ne faut pas caler sur ce point. Certes, les « démunis » de toute sorte nous « dérangent ». Ils sont parfois si démunis que cela affecte leur propre intériorité jusqu’au point où ils n’ont même pas envie de nous dire « merci ». Les beaux commentaires, si évangéliques, d’Etienne Grieu ou de Gilbert Lagouannelle à ce sujet doivent nous donner à réfléchir, nous renvoyant à cette « gratuité » suprême qui est celle de Dieu, gratuité qui nous fait grandir nous-mêmes quand nous la faisons nôtre… Il faut donc continuer de soutenir clairement la Conférence S Vincent de Paul (merci, Jean-François) et le Secours Catholique (merci, Serge), sans oublier, bien sûr, le CCFD, l’ACAT, et bien autre chose… Le pôle de la « diaconie » est bien vivant ; il faut le consolider comme « institution » dans la paroisse.

Dans les innovations de ces dernières années, je ne peux oublier les excellentes relations que nous avons entretenues avec nos frères et sœurs de l’Eglise Réformée à travers son pasteur Luc-Olivier Bosset (je pense notamment à un DPCA qu’il avait si bien nourri de sa réflexion) ainsi que la cérémonie inter-religieuse du 11 Novembre qui, à la demande de la paroisse voici quatre ans et en accord avec Mr le Maire et son équipe, a regroupé dans un temps de prière pour la paix des membres des communautés juive, musulmane et bouddhiste, cérémonie qui a connu un beau succès.

Pour ne pas être trop long, j’ai « oublié » des personnes et des groupes : vous pouvez en dresser la liste en consultant l’annuaire paroissial. Je suis sûr qu’ils me le pardonnent… Mais je ne voudrais pas « oublier » les personnes si nombreuses qui ont contribué, souvent discrètement, à donner vie à la paroisse, que ce soit par un coup de main pour peindre ici, remettre une serrure là, déboucher une canalisation ailleurs, s’occuper d’un contact avec telle entreprise (merci tous les Marc-Henry et Benoît et Jean-Michel et Jean-Charles et Jacques…), ou bien pour organiser une fête : feu le Marché de Noël (merci, Bernard), la brocante (merci, Philippe), les concerts paroissiaux (merci, Thierry) le Loto (merci, autre Thierry)… Enfin, plus largement encore, je pense également à tous les paroissiens, que l’âge ou les surcharges familiales ou professionnelles ou, plus simplement encore, le type de talents et de personnalité n’a pas poussés ou a empêchés de devenir des acteurs directs dans la paroisse, mais qui, présents chaque dimanche à la messe, ont contribué par leur écoute, leur prière, leur chant à cette intensité priante de nos célébrations que nous aimons tant. Tous n’ont pas la même fonction, mais tous sont à part entière membres vivants du même corps du Christ !

En tout cas, vous aurez compris en quelle estime je tiens cette paroisse de St Leu. Pardon à celles et ceux que mon style parfois un peu trop direct a pu choquer. Et merci à tous de m’avoir fait grandir (c’est vraiment vrai !). J’ai passé parmi vous six années de bonheur. Bonheur humain de tant d’amitiés partagées. Bonheur chrétien d’un ministère de prêtre où j’ai pu vérifier concrètement ce qu’il m’est arrivé d’exprimer théologiquement si souvent à vous-mêmes et à bien d’autres : plus les chrétiens sont effectivement responsables dans l’Eglise et mieux le prêtre trouve à se situer sur le plan aussi bien théologique que pastoral… Alors, MERCI à tous. Et rendons grâce à Dieu !
Louis-Marie Chauvet, curé de Saint Leu la Forêt

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