Discerner le sens profond de ce que nous faisons quand nous nous rassemblons le dimanche

11 novembre 2013

Les repas eucharistiques de l’Église font mémoire de la “dernière cène”, laquelle récapitule les nombreux repas pris, au cours de sa vie publique, par Jésus avec ses disciples. Mais ils reposent aussi sur les repas d’après Pâques, rendus possibles par la présence du Ressuscité qui se donne à voir vivant et se fait reconnaître Seigneur. C’est dire combien la brièveté même de ce qu’on nomme habituellement  » récits de l’institution eucharistique  » en cache la richesse. Les récits fondateurs ne se limitent pas à la dernière Cène.

Le récit fondateur de l’Eucharistie est enchâssé dans un ensemble où Paul s’en prend au comportement des chrétiens de Corinthe (1 Co 11,17-34). D’après ce que nous savons des maisons antiques, il est fort probable que dans le « triclinium », la salle à manger, une dizaine de personnes prenaient, couchées, leur repas avec l’hôte, alors qu’une quarantaine issues de classes inférieures s’entassaient dans l’ »atrium », mangeant ce qu’elles avaient apporté ou même ne mangeant rien du coup si elles étaient esclaves et pauvres ! Comment alors passer de ce repas en groupe, nettement inégalitaire, à la célébration rituelle du “souper du Seigneur ? ” Il y a danger, avertit l’Apôtre, à manger et boire sans “discerner le corps” (11,29).

Paul dénonce des pratiques qui ramèneraient le repas cultuel au rang d’un repas ordinaire – y a-t-il repas ordinaire sans risque de déviation ? Ne pas s’attendre pour souper ensemble et supporter la simultanéité de l’ivresse des uns et de la faim des autres, montre que le repas du Seigneur a perdu son sens profond et ne peut plus construire la communauté. Croire que le Ressuscité est présent à son Église exige alors de maintenir la mémoire du Crucifié. Au caractère festif du repas communautaire– avec ou sans excès d’ailleurs –, Paul oppose les motifs de la Passion : nuit de la livraison, pain rompu, corps “pour vous”, alliance dans le sang, annonce de la mort du Seigneur… L’annonce réitérée de cette mort dans le repas cultuel juge le présent des rapports fraternels dans l’attente de la venue eschatologique. Ne pas discerner cela expose au pire et dénie l’espérance.

Ainsi, le repas du Seigneur se caractérise par une table commune où, en partageant un unique pain et en buvant à la même coupe, les croyants proclament qu’ils sont un seul corps, le corps du Christ. Partage du pain eucharistique et unité de l’Église ne peuvent être dissociés.

« A ce que vous ferez les uns pour les autres, le monde saura que vous êtes mes disciples ». Dès cette affirmation, Jésus exprime avec clarté ce qu’il est et ce qu’il vient faire : la Vérité, dans l’Évangile, c’est lui. Une personne individuelle historique qui proclame « Je suis le chemin, la Vérité et la vie, personne ne va vers le Père sans passer par moi ». Mais loin d’être une affirmation impérialiste et auto-centrée, cette proclamation-là ouvre des chemins magnifiques et bouleversants : la Vérité s’est révélée dans l’histoire. Elle n’est pas un dogme, mais une personne. Et c’est en regardant cette personne agir, penser, parler, que l’on peut vérifier la portée de cette promesse. « On juge l’arbre à ses fruits », encore une affirmation du Christ. La vérité se contemple dans les actes.

 Père Émeric DUPONT, curé

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