L’audace de croire qu’Il nous met au monde

1 mars 2014

                                            PREMIERE LECTURE – Isaïe 49, 14 – 15

        14 Jérusalem disait : 
« Le SEIGNEUR m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée.»

     15 Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, 

ne pas chérir le fils de ses entrailles ?
Même si elle pouvait l’oublier, moi, je ne t’oublierai pas.
– Parole du Seigneur tout-puissant.

Cette lecture du dimanche nous pose d’emblée une question forte : de quel droit Isaïe s’arroge-t-il une telle certitude ? Au cœur de l’exil à Babylone qui vit une population entière (même si elle fut historiquement plus modeste qu’on ne l’a cru dans les siècles passés) déportée à des milliers de kilomètres de chez elle,  sur quels fondements arrimer encore sa foi forcément chancelante ? Après que toutes les bases fussent détruites, qu’il ne restât plus rien des points de repère habituels, comme cela nous arrive dans toute épreuve, comment tenir encore l’idée que Dieu ne nous lâche pas ? Il en faut de l’audace ! Où Isaïe le prophète l’a-t-il puisée ? À sa propre expérience ? Sans doute, mais pas seulement.

Appelé au cœur de sa propre histoire, un prophète sent d’intuition que sa vie biologique n’est pas la seule mesure de son mystère intérieur, façonné par une intimité de prière en cœur à cœur avec le Créateur. Il sait, ce prophète, d’un savoir qui n’a rien de géométrique, que son engendrement continue, que la plus grande puissance de Dieu est de donner la vie et de la faire grandir, de lui faire prendre parfois des chemins inattendus. Il fait de nous des êtres surprenants, appelés à la liberté. Et il ne nous abandonne pas dans cet engendrement. Comme une tendre mère, il veille sur ce qu’il met au jour. Il protège notre capacité, si forte et si fragile, à faire du neuf comme lui-même ne cesse de faire « toute chose nouvelle » (Apocalypse 16). Pour lui, nous ne sommes encore en enfantement, pas encore parvenus à la maturité de l’éternité. Et c’est cela qu’il tient, sans rien détenir : l’espérance dont nous sommes porteurs, il la porte avec nous. Le malheur ne nous détruira pas. Et même s’il nous met à terre, nous serons relevés. La résurrection est déjà en filigrane dans les mots flamboyants d’Isaïe, plus de cinq cents ans plus tôt…

 Émeric DUPONT

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