« L’église maintenant, c’est pas pareil »

1 décembre 2005

Elle n’a pas protesté, la dame à qui je venais de dire : « la sépulture de votre mari sera assurée par un laïc ». Elle a tout juste poussé un léger soupir et ajouté sur un ton résigné : « L’Eglise, maintenant, c’est pas pareil ». Certains, pris de nostalgie, regrettent que l’Eglise change. Mais comment pourrait-elle ne pas changer puisqu’elle est faite, cette Eglise, de vous et de moi, c’est-à-dire de personnes qui, fût-ce à leur corps défendant, respirent un air culturel tellement différent de celui d’autrefois ?L’un des aspects les plus frappants de ce changement dans notre Eglise catholique est le nouveau type de rapport et de collaboration qui s’est instauré entre prêtres (et diacres) et laïcs. Beaucoup en ont fait l’expérience depuis plusieurs années : quand ils sont venus demander un baptême, un mariage, une sépulture…, ils ont été accueillis par un laïc ou une laïque. Plus encore : la préparation elle-même, souvent à travers quelques réunions, a été assurée par des laïcs. Et durant la célébration elle-même, ces derniers ont parfois un rôle important à côté du prêtre ou du diacre, quand ils ne président pas eux-mêmes la cérémonie, comme c’est désormais fréquemment le cas pour les sépultures (en ce cas, ils le font au titre d’une mission qui leur a été nommément confiée par l’évêque).Irions-nous donc, comme certains journalistes en quête de nouveautés n’ont pas manqué de l’écrire, vers « une Eglise sans prêtres » ? Assurément non ! Simplement, il faut réaliser que beaucoup des tâches que le prêtre assurait de fait depuis plusieurs siècles (époque où il faisait quasiment tout, le peu qu’il ne faisait pas étant assuré par des laïcs qu’il considérait et qui se considéraient eux-mêmes comme des « aides » ) ne lui revenaient pas de droit, c’est-à-dire n’étaient pas liées au sacrement de l’ordination par lequel il était devenu prêtre. Car la mission spéciale du prêtre, mission pour laquelle, selon la théologie catholique, il est irremplaçable, c’est de présider la communauté chrétienne et les sacrements (notamment l’eucharistie) « au nom au Christ », c’est-à-dire de manifester que c’est le Christ qui préside. Or « présider au nom du Christ », ce n’est sûrement pas « faire à la place des autres chrétiens » (même si, dans une société très hiérarchisée comme autrefois on a tendu à confondre les deux choses !) C’est au contraire promouvoir les responsabilités de tous les chrétiens… Alors, où sont les prêtres dans tout cela ? Rassurez-vous, ils existent ! Et beaucoup d’entre eux vivent avec bonheur la situation actuelle. D’où leur vient donc ce bonheur ? De ce qu’ils perçoivent la situation actuelle de manière positive, c’est-à-dire comme une impulsion que le Saint-Esprit donne à l’Eglise pour qu’elle change de visage. L’Eglise est en effet dans une situation de transition. Pas au sens négatif, où dès que les prêtres redeviendraient suffisamment nombreux, il faudrait se hâter de fermer la parenthèse d’une période où l’on n’aurait « pas pu faire autrement » que de « se faire aider » par des laïcs. Non, il s’agit d’une transition positive : l’Eglise est « en transit », en « passage » (c’est le sens même du mot « Pâques ») vers un nouveau visage d’elle-même. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois dans l’histoire : on l’a vu après la paix constantinien-ne (313), au moment de la réforme grégorienne (fin XIe s.), après le concile de Trente (XVIe s. )… Nous sommes en tout cas fondés à penser que la physionomie que notre Eglise avait acquise depuis le Moyen Age est en train de changer. Quelque chose de neuf est en train de naître, un quelque chose où la collaboration entre laïcs et ministres ordonnés (prêtres et diacres), collaboration sans confusion des rôles et des fonctions, apparaîtra comme le mode normal d’animation de nos communautés chrétiennes.Evidemment, un tel passage, comme tout accouchement, ne se fait pas sans douleur. Mais quand on fait l’expérience (et nous sommes nombreux à la faire à St Leu) des fruits que cette collaboration permet et du bonheur qu’elle donne aussi bien aux prêtres qu’aux laïcs, on se dit que l’épreuve vaut vraiment la peine d’être traversée. Celui qui écrit ces lignes peut témoigner qu’il se sent d’autant mieux dans son identité de prêtre qu’il vit au quotidien, et sur les questions de fond, une telle collaboration.A NOËL, nous fêtons, comme disent les anges, la « Bonne Nouvelle » d’une naissance : la naissance, au couvert de l’Esprit, d’un « Sauveur » pour tous les peuples de toute l’histoire. Que le même Esprit insuffle à notre Eglise les audaces nécessaires pour les transformations que requiert l’annonce de l’Evangile en notre temps !

Père Louis-Marie Chauvet

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