Monter jusqu’au ciel… pour quoi faire?

11 mai 2013

Jeudi, nous avons fêté l’ascension du Seigneur, marquée, entre autres, par cette phrase : «  Il fallait que s »accomplisse ce qui était annoncé par l’Écriture »… Comme un programme bien établi, dessiné avec précision, il semble que ce jour-là le ministère terrestre du Christ touche à sa fin. Il a parfaitement concordé avec ce qui était attendu de Lui d’en-haut: demeurer, être Dieu-avec-les-hommes, ne jamais cesser de demeurer ce qu’Il est, malgré les obstacles, ne jamais dévier de sa route qui est d’obéir à la volonté du Père, c’est-à-dire d’être Fils, en permanence, dans toutes les fibres de son être. C’est cela être Fils, se recevoir du Père, tourner sa vie, son être, ses pensées vers Lui, orienter le monde vers cet horizon sublime qui est le commencement et, la fin de toute chose, c’est-à-dire devenir soi-même chemin.Jésus n’a pas écrit de catéchisme, ni de traité de métaphysique, il n’a pas donné de leçons de morale, il s’est contenté de laisser le Père, à travers Lui, regarder, toucher, bénir, réconforter, guérir, stimuler la liberté de l’homme, signe de sa divine origine. Et il l’a fait avec une transparence telle qu’il a pu dire, au terme de ces trois années: « qui m’a vu a vu le Père ». Identité parfaite, pas le moindre iota de distance. Dans les yeux, dans les gestes du Christ, se reflétait alors l’infinie puissance se déployant dans la douceur, celle dont seul le Père du ciel est capable. Il a été témoin, au sens le plus plénier du terme: sa présence a été signe, repère, point d’appui pour tous ceux qui viendraient après Lui.

Et ses souffrances alors ? Les souffrances du Messie, dont les Écritures annonçaient déjà l’ampleur, n’ont été rien d’autre que la mise en lumière des forces d’opposition à tout ce qui constitue la vie. Il y a dans le monde quelque chose ou quelqu’un qui résiste à cette bénédiction, il y a une part du monde qui repousse de toutes ses forces cette bénédiction et cette guérison. Ce mystère du mal métaphysique ne cessera jamais de nous intriguer. Le monde est blessé, dévoyé pour une part, c’est à dire sorti de son axe. Et cette obscurité s’est déchaînée sur le Christ, elle s’est emparée de ce qu’il y a de peur, de fureur et d’aveuglement dans le coeur de l’homme pour réaliser un signe prophétique en clouant le Christ au bois su supplice. A travers Lui, c’est l’Homme qui s’est ainsi retrouvé exposé à la face de l’homme dans sa nudité blessée dans son impuissance à se sauver lui-même. La croix, c’est Dieu fait homme venu assumer l’horreur de la condition humaine, prisonnière de ses illusions et de ses enfermements. Cette nature humaine, parce qu’elle est morte au Golgotha en Jésus de Nazareth, peut être désormais dépassée, transformée, refaçonnée avec la patience et l’amour infini du Créateur.

Les disciples sont remplis de joie en comprenant tout cela dans une fulgurance. Ils savent qu’ils ne sont plus spectateurs d’un mystère qui les dépasse. Par le don de la Force venue d’en-haut, l’Esprit-Saint, qui n’a jamais cessé d’habiter le coeur du Père et du Fils, on peut dire que l’Esprit Saint est de toute éternité leur trait d’union, par ce don qu’ils accueillent et dont ils ont décidé de vivre, les apôtres accueillent ce don et ce chemin: l’éclairage des Ecritures, la croix et la résurrection. Une Parole révélée sur l’homme, sur sa destination et sa fin ultime; le combat intérieur avec cette part sombre et blessée qui refuse la bénédiction, cette part que St Paul a théorisée sous le terme « d’homme ancien », et qui fait que chacun d’eux, que chacun de nous, participe à cette humanité d’Adam, désaxée et perdue. Et puis l’entrée dans la gloire. Pas pour demain. Maintenant. Chaque combat qui nous met à terre et dont nous relevons péniblement, sans gloire, avec les traces des blessures encore imprimées en nous, chacun de ces combats nous fait participer à l’immense travail d’enfantement de l’humanité qui peut accoucher d’elle-même, de sa nature renouvelée et resplendissante, au prix de l’abandon de son ancienne vie, qui la tenait captive. Chaque fois que nous ressuscitons un peu, que nous traversons les épreuves du désespoir et de la tristesse, c’est une occasion de plus non pas de nous lamenter sur ce qui aurait pu être, mais de rendre grâce pour ce qui est: chaque instant de notre vie présente est une chance de passer de la croix au tombeau vide. Chaque fois que la vie l’emporte dans notre vie chahutée, c’est un peu de l’homme ancien qui meurt et de l’homme nouveau qui naît, c’est le Christ retourné dans sa gloire qui nous montre le chemin. N’ayons pas peur. Suivons-le.

Père Émeric DUPONT

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