Sage comme une « image »

3 juin 2012

Il convient de partir des premières pages de la Bible, avec ses récits fondateurs sur la place et la mission de l’homme dans le monde. Prenons l’exemple du Livre de la Genèse : ce texte fondateur, mis par écrit au temps de l’exil, le poème de la création place l’homme au sommet de l’œuvre de Dieu :

         « Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance. »      Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme         [mot à mot : mâle et femelle] il les créa. » (Gn 1, 25-27.)

Un terme retient l’attention : « image ». Dans un monde rempli de statues de divinités, voici que l’homme, c’est-à-dire tout homme, quel qu’il soit, est promu comme la représentation véritable de Dieu : tel est le fondement des droits de l’homme ! Image de Dieu, l’homme est doué d’intelligence et de volonté, capable de parler, appelé à entrer en relation avec son Créateur. Selon ce texte, la nature humaine se réalise sous la double forme du mâle et de la femelle. La nature sexuée relève du plan de Dieu. Une égale dignité appartient à la femme comme à l’homme. Jésus rappellera toute la force de ce texte, quand il proclamera l’indissolubilité du mariage (Mt 19, 4).

Au premier couple, Dieu donne l’ordre suivant : « Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la. » Cet ordre sera réitéré après le déluge (Gn 9, 6 s.). Il était urgent de le rappeler quand le petit Reste d’Israël devait repeupler la Terre promise. À notre époque, il convient davantage de parler d’une paternité responsable.

Le second récit de la création (Gn 2, 4-25) a trop souvent été présenté comme une histoire populaire. La forme ne doit pas donner le change : sous des traits qui s’apparentent aux mythes de création des peuples voisins, s’exprime une réflexion très profonde, provenant des Sages d’Israël. La dignité de l’homme est manifestée par le soin avec lequel Dieu, comme un potier avisé, façonne le corps d’Adam (l’homme) et lui insuffle l’étincelle de vie. Évoquons la célèbre fresque de Michel-Ange, à la Sixtine ! En conférant un nom à tous les animaux qui défilent devant lui, Adam apparaît comme le maître de la création (Gn 2, 19 s.). Et pourtant l’homme se sent seul. Le récit de la création de la femme a donné lieu à bien des contresens. La femme serait-elle au service de l’homme ? Il faut donner au mot « aide » le sens de « partenaire ».

Si la femme est tirée du côté de l’homme, elle lui inspire le langage : « Pour le coup, c’est l’os de mes os ! et la chair de ma chair ! » Première célébration de l’amour conjugal, dont le Cantique des cantiques prolongera les résonances. Un Sage tire la morale du récit : « C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » (Gn 2, 21.) Dans toutes les civilisations de l’ancien Orient, la jeune fille quitte le domicile de ses parents pour aller habiter avec son époux. Ici, les rôles sont inversés : à l’homme de quitter sa parenté, pour s’attacher à sa femme et former avec elle la plus étroite communauté : une seule chair ! On ne saurait mieux exprimer la dignité de l’acte conjugal, signe d’une authentique communauté de vie et d’amour.

Dans ce monde de l’innocence, la nudité exprime la parfaite transparence des relations entre époux. La suite du récit montre comment la rupture de la relation avec Dieu entraîne un déséquilibre grave dans les relations entre hommes et femmes. Déséquilibre qui entraînera trop souvent un asservissement de la femme !

Les récits bibliques apporteront comme une illustration des relations tumultueuses entre hommes et femmes, relations marquées par des élans magnifiques d’amour et de fidélité, mais aussi par la suspicion et la cruauté. En ce Dimanche où nous célébrons la Trinité, parfaite communion d’amour, prenons conscience que l’unité en Dieu ne cesse de susciter la singularité des personnes.

Père Émeric DUPONT, Curé

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