SE CONVERTIR, C’EST ASSUMER

13 mars 2013

Revenez à moi, dit le Seigneur, Ma présence ne vous sera plus accablante. Oui, Je suis fidèle – oracle du Seigneur” (Jr 3, 12)

« Reviens », « revenez », « faites chemin inverse »… les appels au changement d’attitude sont nombreux dans la Bible. La conversion c’est littéralement, se retourner, regarder ailleurs, autrement… changer radicalement de point de vue. Ce qui est retourné, nous en faisons tous l’expérience, montre une autre apparence, une autre face. Lorsque Dieu lance un tel appel à l’homme, c’est que l’homme est lui-même perdu, incapable de trouver lui-même sa route. « Où es-tu Adam ? » demande Dieu au premier homme dans le jardin de la Genèse, une fois l’homme contaminé par le péché des origines.

La parabole du Fils prodigue nous offre un bel exemple de ce retour au Père. Elle nous montre que tout commence par une prise de conscience, celle du Fils, qui regarde tout à coup le chemin parcouru et qui se rend compte de son égarement. Mais cet égarement, il ne le voit pas d’abord du point de vue moral. Il a faim. Il a épuisé toutes ses forces, dépensé ses ressources, le voilà seul, loin de tout, sans avenir, au bord de la mort. Et s’il veut revenir vers son Père, c’est qu’il sent le danger, il craint pour sa vie. Comme on dirait en langage d’aujourd’hui, il « joué à se faire peur ». Le retour au Père est donc présenté comme un retour vers la vie, qui se manifeste par la tendresse débordante du Père, ses étreintes, ses baisers, l’anneau offert au Fils. Pas d’abord comme signe d’alliance mais comme sceau, puisqu’on scellait les parchemins avec les bagues. C’est un anneau signe d’une identité retrouvée. Et puis la promesse de la fête et la place retrouvée au sein de la famille. Mais le point de départ, lui, était purement intéressé : j’irai vers mon Père car lui il me nourrira. L’Evangile ne semble pas condamner cette attitude pourtant égocentrique. Le retour vers le Père est d’abord intéressé, c’est ainsi. Nous sommes invités à la conversion à cause de la promesse d’un surcroît de vie. Et après tout, pourquoi pas ? Faut-il avoir honte de rechercher ce qu’il y a de mieux ? Faut-il se culpabiliser d’aspirer à ce qu’il y a de plus haut ? La promesse que porte Jésus n’est-elle pas celle d’un héritage du Royaume des Cieux, une vie où nous pourrons appeler Dieu « Père » et vivre vraiment comme ses héritiers ? C’est à travers ces étapes nécessaires que nous pouvons passer de notre archaïque image d’un Dieu terrifiant à Dieu tel qu’il est, non-représentable mais manifesté par ses signes incessants d’amour envers l’humanité dont Jésus est l’incarnation même. Ainsi, le texte de Jérémie que nous venons d’entendre nous parle d’une présence de Dieu qui ne nous sera plus « accablante », c’est-à-dire effrayante, étrangère. Ce qui nous est promis, le chemin qu’est Jésus, c’est d’entrer progressivement dans l’intimité du Père pour prendre pleinement notre destin d’héritiers en main, et vivre de la vraie liberté des enfants de Dieu.
Par la conversion, non seulement emprunter une autre route, mais faire route à rebours, remonter les routes trompeuses en sens inverse, retraverser les conséquences de nos mauvaises décisions des temps passés. Ainsi va le carême pour chacun de nous : c’est une croisée des chemins, un temps de maturation et de contemplation des routes qui nous sont offertes pour choisir, résolument, celle qui mène vers la vie. Cette route-là n’est pas la plus évidente à deviner, ni la plus facile à suivre. Elle n’a rien de séduisant, ni de flatteur pour notre ego. Le Carême nous offre de revisiter notre vie et de changer de cap, afin d’être rendus capables de devenir intimes du Père à la manière du Christ. L’intime, c’est celui qui partage le quotidien, c’est-à-dire le contraire d’une relation intermittente et intéressée. Nous n’en sommes pas encore-là, n’est-ce pas ? Allons, ne perdons pas de temps. En route !

Père Emeric DUPONT

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