VIVRE DE LA PENTECÔTE APRÈS LA PENTECÔTE

25 mai 2013

La Pentecôte, presque tout le monde en a vu un jour des représentations, des images, des tableaux, voire même ce que la simple imagination nous suggère… mais que s’est-il vraiment passé ce jour-là ?  Des flammes venues du ciel, un vent inexplicable… comme pour nous dire que cette fameuse séparation entre le monde d’en-haut, le monde divin, et celui des hommes, le nôtre, s’était pour un instant seulement estompée.

Mais on ne peut comprendre l’après Pentecôte, dans lequel nous sommes désormais, sans avoir à l’esprit l’avant-Pentecôte, ces jours qui ont précédé l’événement et en particulier ces jours qui ont suivi l’annonce de la mort du Christ. Il faut se souvenir que cette poignée de disciples venait de connaître quelque chose qui ressemble à la mort: la fin du courage. Leur ressort, leur tonus intérieur, leur envie de croire en quelque chose ou en quelqu’un, et d’y investir leur vie, tout cela venait de s’effondrer. La Pentecôte, dans ce qu’elle a de spectaculaire, c’est une renaissance, un nouveau dynamisme. Et c’était bien une « force » que Jésus avait promis lorsqu’il disait « vous allez recevoir une force, l’Esprit Saint viendra sur vous ». Ce même Esprit promis a Marie pour qu’elle puisse donner chair à la Parole de Dieu en donnant au monde le Christ. Ce même Esprit qui nous offre, dans l’eucharistie, le Christ ressuscité comme nourriture de vie éternelle. Ce même Esprit qui au jour symbolique de la création plane sur les eaux d’un monde encore à naître. L’Esprit Saint est présent chaque fois qu’une continuité se manifeste, et c’est une continuité d’amour.

C’est peut-être cela, le don de l’Esprit: demeurer dans l’amour éternel, même quand tout semble sombre ou absurde. Et c’est un don que l’homme, malgré tous ses efforts, ne peut se donner à lui-même. Le don de l’Esprit, c’est tout sauf une auto-persuasion sur le mode du « tout va bien si si je vous assure » car à chaque fois, il est surprenant. C’est une poussée forte et fragile. Forte parce qu’elle peut changer la face du monde. Fragile parce qu’elle déploie sa puissance au travers de toute faiblesse, elle ne se donne qu’au travers d’un accueil, d’une disponibilité. Si Jésus a tant comparé l’Esprit Saint au vent qui souffle, c’est qu’il sait que la civilisation de son temps connaît deux manières de naviguer: les rames, à la force du poignet, et les voiles déployées. Ceux qui rament peuvent avancer parfois, mais ils avancent seuls et souvent ils s’épuisent. Ceux qui déploient leurs voilures prennent, c’est vrai, le risque d’être entraînés loin, loin de ce qu’ils avaient imaginés pour eux-mêmes. Ils ne peuvent naviguer ainsi sans une profonde confiance et une attention aiguisée de tous les instants pour tenir fermement le gouvernail et naviguer AVEC le vent et non contre lui. Les disciples réunis ce jour-là dans la chambre haute du Cénacle avaient connu tellement d’espoirs déçus et de déconvenues cuisantes qu’ils étaient prêts. Prêts à découvrir de nouvelles manières d’être conduits dans leur existence. Nous pouvons passer toute notre vie ici, sur terre, à passer à côté du Souffle de l’Esprit. A pratiquer, à faire des choses que l’Eglise demande, à faire du bien autour de soi, mais à rester des rameurs. Et c’est peut-être très bien comme ça. Mais certains, parce qu’ils en auront eu assez de se battre seuls contre les forces contraires, d’avancer si peu en ayant déployé tant d’efforts, voudront connaître autre chose. Comme les disciples qui auront expérimenté la fin du courage et la quasi-mort de la tristesse, ils découvriront à quel niveau de profondeur il faut consentir à se laisser mener par l’Esprit pour lâcher enfin les rênes de sa vie. Sans rien changer mais en vivant tout autrement. « Je te rends grâce, Père du ciel, car tu as caché tout cela aux sages et aux savants, et tu l’as révélé aux touts-petits » s’exclame Jésus. Il ne parlait ici ni de niveau intellectuel ni de situation sociale. L’Évangile n’est pas réservé aux simples d’Esprit, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, hélas. Il ouvre une nouvelle manière radicalement nouvelle de vivre et d’être, une puissance de résurrection que seuls expérimentent ceux qui lâchent, enfin, leurs certitudes sur eux-mêmes et sur qu’il convient de faire, sur là où il faut aller. Ceux qui disent « me voici Seigneur, ton serviteur écoute » et qui le mettent en pratique. La proximité d’avec la Pentecôte n’est pas une proximité historique ou chronologique. Ceux qui ont parlé toutes les langues du monde ont été rendus universels par le don de l’Esprit accueilli et mis en pratique au quotidien. C’est une proximité spirituelle. Voilà pourquoi, la Pentecôte c’est hier, aujourd’hui, et c’est pour qui voudra parmi nous.

Père Émeric DUPONT

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